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Peu avant la guerre, Camille sort de « derrière le cul de ses vaches », comme dit sa belle-mère – justement surnommée « la Fielleuse » –, pour épouser un fils de la petite bourgeoisie provinciale. Lequel époux, dès la première case du récit, proclame haut et fort : « Si je me suis marié, c’est pour me faire servir ! ». Le papa est une sorte de tyran domestique. La maman est une femme sans travail, sans argent autre que celui que lui distribue généreusement le monsieur chaque semaine. Une femme piégée, soumise, mais, heureusement, une femme lumineuse qui arrive à arracher, pour elle et ses trois enfants,
de grands moments de bonheur. L’une de ces enfants est Florence Cestac, très tôt attirée par la rébellion et l’art sous toutes leurs formes.
Il y a l’histoire de Florence, on y retrouve en passant les traces de certains de ses albums – Le Démon de midi ou La Véritable Histoire de Futuropolis. Et il y a la « grande » histoire : les ruines d’après-guerre, les fameuses Trente Glorieuses, la découverte du Formica et des gadgets en tout genre (caméra, transistor, bagnoles), et le début de la consommation de masse. Il y a le patriarcat typique de l’époque, et le caractère très particulier du père : dominateur, colérique, réticent à toute forme de compliment, humiliant constamment sa femme, hurlant parce qu’il y a trop de vinaigre dans la salade – il rechignera jusqu’au bout à se montrer un tant soit peu sympathique, sauf, à la fin, trois mots qui feront sangloter l’héroïne, toujours en quête d’amour paternel. Pour arranger le dossier, Florence et son frère sont dyslexiques, donc catalogués crétins, à une époque où ce problème n’est pas diagnostiqué. D’où notre admiration pour les deux femmes du récit – la maman, résistante discrète, et, surtout, Florence, résistante plus « voyante », qui s’en sortira en cultivant la débrouille, la joie de vivre, la création et, bien sûr, cet humour de sauvetage qu’elle exerce avec virtuosité.
Librairie Bulles de Salon